dimanche, 14 avril, 2024

Burn-out : les uns profitent, les autres payent

Imaginez que votre patron abuse (oui, c’est pour les besoins de la démonstration, dans la vraie vie ça n’arrive jamais). Deux de vos collègues sont parti·es ou ont été poussé·es vers la porte pendant la crise sanitaire et vous avez hérité de leurs missions. On vous a promis que c’était temporaire mais l’activité est revenue, il n’y a pas de recrutement à l’horizon et la fatigue s’installe. Votre n+1 sait déjà que l’équipe est en train de craquer. Elle est bien sympa mais ne peut que compatir avec vous car c’est plus haut que sont prises les décisions. Est-ce que continuer au même train et vous laisser finir en burn-out, en arrêt pour les six mois, un ou deux ans que réclame le traitement, serait une décision économiquement rationnelle de votre patron ?

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vendredi, 29 mars, 2024

Vide à la demande

VIDE-A-LA-DEMANDE.png, mar. 2024Bertrand Cochard, Vide à la demande. Critique des séries, L’Échappée, 2024, 176 pages, 17 € (sortie le 5 avril)

Je l’avoue tout de suite, j’ai bingé Vide à la demande. Telle la lumière bleue des écrans qui retarde l’endormissement, le livre de Bertrand Cochard peut vous faire perdre quelques heures de sommeil. Dans le paysage des ouvrages sur les séries télévisées, il y a les ravi·es de la crèche, pour beaucoup des philosophes de gauche qui changent de sujet de recherche avec les modes. Et puis il y a les ronchons qui n’ont jamais suivi une série et qu’on imagine très bien conspuant la télévision ou avant cela la radio au motif que c’était mieux de leur temps. Cochard n’est heureusement ni l’un ni l’autre. Technocritique, lecteur d’Anders, d’Arendt et surtout de Guy Debord mais pas réactionnaire (à part quelques ronchonneries pas argumentées (1)), l’auteur semble avoir passé beaucoup de temps à regarder des séries et des produits des industries culturelles, au point d’aller voir Barbie en avant-première dresscode pink. J’avoue que je ne le suis pas sur ce coup-là, j’ai arrêté Game of Thrones après la première saison et je n’ai jamais regardé jusqu’au bout que The West Wing et The Wire (2).

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samedi, 23 mars, 2024

Une captivité coupable ?

L’an dernier, une étude publiée par des économistes rendait compte de la somme pour laquelle les utilisateurs et utilisatrices des médias sociaux consentiraient à se déconnecter. Les étudiant·es d’une université états-unienne accepteraient 59 dollars, pas moins, pour ne plus se connecter à TikTok et 47 pour délaisser Instagram. De manière plus intéressante et apparemment contradictoire, ils et elles paieraient cette fois 28 dollars pour voir leur entourage (et elles-mêmes) se déconnecter de la plateforme chinoise et seulement 10 pour Instagram qui était pourtant, la dernière fois que j’ai regardé, la plateforme qui impactait le plus négativement les personnes qui ne s’en servent pas que pour regarder des vidéos de chatons.

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vendredi, 8 mars, 2024

Comment j’ai appris à mépriser Sandrine Rousseau

Il me semble important de critiquer les camarades, non par plaisir égocentrique et pour se mettre en valeur à leurs dépens mais parce que toutes les stratégies peuvent être interrogées et que personne n’est à l’abri d’une dérive. Les critiques du camp opposé, par leur violence, leur injustice ou leurs présupposés biaisés, tendent plutôt, et c’est compréhensible, à conforter celle ou celui qui les essuie qu’à susciter un peu de remise en cause. Au contraire, une critique « amie » doit faire surgir des questionnements, rappeler des exigences partagées… et accessoirement être cordiale et éviter la personnalisation.

Ce billet n’est pas une critique amie.

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lundi, 26 février, 2024

Traverser la rue pour manger sainement

J’ai déjà démonté ici le cliché selon lequel « on vote avec son portefeuille » et on n’a qu’à traverser la rue pour soutenir son type d’agriculture préféré en achetant les produits qui en sont issus. Julien Denormandie, le précédent ministre de l’agriculture, avait ainsi justifié l’abandon des aides publiques au maintien en agriculture bio : c’était un segment du marché, l’État n’avait aucune raison de soutenir les préférences de consommation de tel ou telle. Ce genre de considération est une sorte de bingo particulièrement réussi de l’idéologie qui triomphe aujourd’hui, elle coche toutes les cases de ce que pensent les représentant·es les plus idiot·es de la petite bourgeoisie qui vote au centre ; elle a pour but de flatter dans le sens du poil leur méconnaissance du monde dans lequel ils et elles trimbalent leurs malheureuses existences. Je ne fais pas l’honneur à Emmanuel Macron de manger la même pâtée que celle qu’il donne à ses chiens. Ses sorties récentes sur le sujet sont le propos délibérément cynique d’un leader populiste. Je reprends donc, parce qu’il me semble important à plusieurs titres, le sujet à la faveur de l’actualité.

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lundi, 19 février, 2024

I'm so happy to see you

Les logiques du développement personnel se sont doucement imposées dans notre imaginaire. Les ouvrages qui ont envahi les rayons des librairies peuvent dispenser une grande sagesse, si possible orientale, ou enchaîner les conseils simples ou les lieux communs (charité bien ordonnée commence par soi-même). Offrant une façade lisse, ils ont un propos aussi varié que consensuel. Depuis quelques années les critiques s’attachent à cet objet protéiforme, en dévoilant les nombreuses influences derrière une apparence anodine. Le développement personnel tire ses origines d’une part d’un ethos libéral et méritocratique qui s’exprime assez frontalement en langue anglaise depuis au moins un siècle : tout le monde peut devenir riche, celles et ceux qui ne le sont pas n’ont pas su tirer profit de mes enseignements, que voici offerts à la vente. Les nouvelles pratiques spirituelles devenues plus visibles en Occident à partir des années 1960, mais qui elles aussi ont des racines profondes, en constituent le versant ésotérique.

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jeudi, 15 février, 2024

Une colère qui se tient sage

La récente mobilisation agricole a emmêlé tous les ingrédients qui caractérisent la France depuis son accélération illibérale : une pauvreté que le travail peine à résorber malgré les promesses renouvelées depuis 2007 de lui redonner sa « valeur » (morale, voire moralisatrice, mais jamais économique) ; la colère à laquelle donnent lieu ces promesses non tenues et le sentiment d’avoir été le dindon de la farce ; l’arbitrage systématique des gouvernements en faveur des classes dominantes.

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vendredi, 2 février, 2024

Chères collaboratrices

9782348077609.jpg, fév. 2024Sandrine Holin, Chères collaboratrices. Comment échapper au féminisme néolibéral, La Découverte, 2023, 240 pages, 19,50 €

Voici un livre dont on a envie de partager la lecture avec beaucoup d’amies et de camarades, en raison de son sujet qui en France reste assez rarement abordé. S’il est facile de mépriser certains féminismes, il est plus difficile en revanche de poser le doigt sur ce qui pose réellement problème. Ainsi du féminisme pour cadres sup qui a trouvé en Sheryl Sandberg, ex-dirigeante de Facebook et milliardaire, son égérie (voir ici une critique par bell hooks, citée dans Chères collaboratrices). Sandrine Holin, survivante du féminisme en entreprise, remonte à la source du phénomène.

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jeudi, 25 janvier, 2024

France Bullshit

Il y a quelques jours j’ai repéré une pub assez laide pour un entreprise avec un nom à la con. Un peu comme Assur2000 ou Charenton Clés. Passant et repassant devant pour aller prendre le métro (quand il est accessible), il m’a fallu un temps pour comprendre que France Services était une énième déclinaison de France Bullshit, cette refonte des services de l’État sous une marque à la syntaxe anglaise.

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jeudi, 28 décembre, 2023

Le Prix de la démocratie

prix-démocratie.png, déc. 2023Julia Cagé, Le Prix de la démocratie (2018), Folio, 2020, 629 pages, 10,90 €

Ces derniers jours, vous avez été assailli·es de propositions visant à contribuer à l’existence d’associations diverses et vous avez peut-être eu du mal à choisir entre toutes : celles qui surveillent l’état des droits humains et des libertés civiles en France, celles qui diffusent une information de qualité et font vivre des débats dignes, celles qui sont les seuls porte-paroles qu’a notre milieu naturel, etc. Si vous avez la chance d’être imposable, vous avez peut-être la satisfaction d’entraîner avec quelques euros la contribution de l’État à hauteur du double, la somme étant déduite de vos impôts. Satisfaction peut-être légèrement érodée par le rappel que les multimilliardaires que compte désormais la France font de même. À la différence qu’eux ne donnent ni à Lundi matin, ni à la Ligue des droits humains ou à la Quadrature du Net. Et qu’ils donnent beaucoup plus.

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jeudi, 21 décembre, 2023

L’extrême droite règne mais ne gouverne pas

Le trafiquant d’influence Darmanin-démission, par ailleurs ministre de l’intérieur, se flatte de ne pas avoir fait voter sa loi contre les personnes migrantes avec les voix de l’extrême droite. Cela m’évoque la situation suédoise à l'issue des élections de 2022. L’extrême droite suédoise, un parti d’origine néo-nazie bien nommé Démocrates de Suède (SD), est le deuxième plus gros groupe parlementaire (73 sièges) derrière celui du parti social-démocrate (107 sièges). Mais c’est le dirigeant d’un parti de droite ayant obtenu 68 sièges, Ulf Kristersson, qui dirige le gouvernement dans lequel sont entrés d’autres partis de droite ayant fait des scores de respectivement 5,34 et 4,61 %. À eux trois, ceux-ci ont réuni 30 % des voix et donc des sièges. Le gouvernement Kristersson est élu par 176 voix contre 173 grâce à un accord programmatique avec le SD. Celui-ci fait en outre partie d’un cabinet informel qui réunit les quatre partis et prépare les budgets endossés par la coalition de trois partis. Officiellement, l’extrême droite ne gouverne pas en Suède, elle se contente de régner.

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samedi, 16 décembre, 2023

Les gueux, restez chez vous !

Il l’a dit ou il ne l’a pas dit ? Le préfet d’Île-de-France n’a pas annoncé de confinement des habitant·es de la région pendant la durée des Jeux olympiques. Non. Il a simplement fait remarquer que les transports régionaux était tellement performants « qu’à certains endroits le plan de transport ne permet d’acheminer les spectateurs que si tous les autres voyageurs ou presque étaient dissuadés » de les prendre. Venant d’autorités si soucieuses de respecter les libertés civiles, ça fait un peu peur, même si le type n’a pas prononcé l’expression « confinement olympique ».

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samedi, 9 décembre, 2023

Nourrir la bête

« La magie Shiva n’a jamais été aussi accessible », apprend-on sur les publicités pour cette entreprise qui met à disposition du travail de ménage. « Shiva vous permet de faire le choix de régler la moitié de votre facture chaque mois en bénéficiant immédiatement de votre crédit d’impôt. » Ménage, garde d’enfants et même cours de musique à la maison font l’objet de publicités variées qui insistent toutes sur ce fait : c’est l’État qui paye la moitié !

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dimanche, 19 novembre, 2023

Faire justice

FAB_22_11x16_8_DECK_MARSAULT_faire-justice_OK.jpg, nov. 2023Elsa Deck Marsault, Faire justice. Moralisme progressiste et pratiques punitives dans la lutte contre les violences sexistes, La Fabrique, 2023, 168 pages, 13 €

Les milieux les plus radicaux que je fréquente ou que j’ai fréquentés ont du mal à proposer une critique très acérée de la justice telle qu’elle est couramment pratiquée. Une fois l’État accusé de maintenir une « justice de classe », les arguments se font rares. C’est certes un gros morceau, que de comprendre, documenter et expliquer comment la justice est rendue en faveur des classes dominantes, de la répression des classes exploitées (émeutiers, Gilets jaunes) jusqu’aux affaires familiales (« tribunal des couples » qui paupérise les femmes ou difficile prise en compte des violences sexuelles contre les femmes et les enfants), et sert surtout à préserver un ordre fondamentalement injuste (1). Mais il reste encore à penser la place des victimes, utilisées à l’occasion mais toujours dans l’intérêt de l’État (réparer les torts qui leur sont faits est la dernière préoccupation des juges alors que ce devrait être la première) ou la vision de l’être humain qui sous-tend le système judiciaire (au mieux à réformer, au pire à exclure du corps social tel une mauvaise tumeur), toutes les idées souvent pourries mais parfois intéressantes (2) qui font la justice d’État.

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mercredi, 8 novembre, 2023

La Tentation écofasciste

Tentation_ecofasciste.jpg, nov. 2023Pierre Madelin, La Tentation écofasciste. Écologie et extrême droite, Écosociété, 2023, 272 pages, 18 €

Après deux ouvrages consacrés à l’écologie politique (Après le capitalisme. Essai d’écologie politique) et à une de ses branches parmi les plus intrigantes ou questionnables (Faut-il en finir avec la civilisation ? Primitivisme et effondrement), le philosophe Pierre Madelin a choisi d’interroger l’écofascisme, mis sur le devant de la scène en 2019 par deux meurtres de masse, à Christchurch en Nouvelle-Zélande et Houston au Texas, justifiés par les discours écofascistes de leurs auteurs. Son ouvrage commence par une recherche de définition de ce qu’est l’écofascisme. Plus souvent insulte qu’argumentaire étayé, l’accusation d’écofascisme n’est pas plus claire que celle de fascisme. Les discours dominants assimilent l’écofascisme avec toute critique de la modernité et de l’industrialisme. Les écologistes, d’EELV aux sphères anti-indus et radicales, seraient donc des écofascistes en puissance, foulant aux pieds l’héritage monolithique des Lumières et son universalisme éclairé (pas si simple). Leur attachement aux notions d’autonomie et de liberté est évacué, pendant que leur discours sur les limites écosystémiques est assimilé à l’acceptation des diktat de la nature. Les écologistes, au premier rang desquels Bernard Charbonneau et André Gorz, ont pour leur part appelé écofascisme la tentation de régler les problèmes d’accès à des ressources naturelles devenues plus rares par un contrôle bureaucratique et un partage autoritaire. Enfin, une dernière définition de l’écofascisme tient à certaines pensées écocentriques, accusées de mépriser la vie humaine.

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samedi, 4 novembre, 2023

Sous le parapluie trans

Je suis bénévole dans un festival de cinéma qui tient à une non-mixité aujourd’hui devenue moins courante. Alors que bon nombre d’espaces non-mixtes sont « sans mecs cis(genre) », soit adoptent une non-mixité queer, nous tenons à être un lieu pour « les femmes et les lesbiennes » (1). Depuis vingt ans que je connais le festival, toutes les femmes y sont les bienvenues, cisgenre ou transgenre. J’apprécie le fait que chaque groupe puisse bâtir un espace qui correspond à ses aspirations et que diverses définitions de la non-mixité cohabitent, qu’on ne standardise pas les pratiques militantes. Ce festival réunit des festivalières très diverses, de tous âges, venues de tout le pays, avec des positionnements politiques différents qui se frottent parfois. L’an dernier un tag sur le mur externe du lieu disait : « Festival transphobe ». Cette année ce sont des « lesbiennes pas queer » tout aussi courageuses et anonymes qui ont pris la parole de cette manière très déplaisante pour faire connaître leurs reproches. Ça veut peut-être dire que le festival n’est pas monolithique et ces attaques sont une reconnaissance de la diversité qui y a cours.

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Une histoire d’autoroute

En 2007, l’écologie avait enfin surgi comme un sujet politique légitime, après des décennies d’alertes ignorées. C’est cette année-là que je me suis engagée dans une lutte contre un projet d’aménagement, l’autoroute A65. Première autoroute de l’après-Grenelle de l’environnement, le projet aquitain, long de 150 km, supposait l’artificialisation de 1 500 hectares et la destruction de huit zones Natura 2000. J’avais rencontré à l’occasion un petit groupe de militant·es landais·es très attaché·es à leur coin de forêt et à leurs sept fontaines, à quelques dizaines de kilomètres de là où j’ai moi-même grandi.

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mercredi, 25 octobre, 2023

« Nous sommes en guerre »

Rien de tel qu’une bonne guerre pour faire taire toute contestation. On se souvient du maréchal Macron, recevant dès 2018 des réponses cinglantes à son mépris, mis en difficulté sur sa réforme des retraites, se saisissant de la crise sanitaire pour se faire une image de chef de guerre là où on avait plutôt besoin de soignant·es. Plus tard il a su également profiter des guerres des autres pour se mettre en scène viril et hétérosexuel, en sweat à capuche et mal rasé pour mimer maladroitement le président ukrainien. La guerre fait les chefs, la guerre fait l’unité. Quand c’est la guerre, il faut abdiquer toute réflexion, faire front commun contre l’ennemi. Les conflits sur la production des richesses, serait-ce par la destruction de nos milieux de vie, et sur leur répartition n’importent plus quand on a un ennemi, extérieur idéalement et à défaut intérieur.

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mardi, 3 octobre, 2023

Un pays qui aime le sport

Celles et ceux que fatigue l’overdose actuelle de sport ne sont pas au bout de leurs peines. La France macroniste est un pays profondément divisé politiquement et dans lequel les entrepreneurs en politique n’ont de cesse de nier à leurs adversaires la simple existence ou d’appuyer à leur profit sur tout ce qui clive (voir le récent usage de l’abaya, mot et vêtement inconnus de la plupart d’entre nous avant qu’un ministre n’en fasse LA menace contre sainte République, bien avant le démantèlement organisé des services publics). Cette France-là a bien besoin de sport, cet objet qui réconcilie à moindre coût, et Emmanuel Macron s’en empare avec enthousiasme. On se rappelle l’énarque vibrant de manière exagérée à la victoire de l’équipe de France en 2018 et sa silhouette exultante, pour une fois virile et hétérosexuelle, aussi vite répliquée sur le matériel promotionnel de l’Élysée. C’est bien là un usage politique, voire partisan, du sport mais on est tenu de respecter l’injonction paradoxale à une réconciliation programmée autour de l’équipe de France. Le président va pêcher un peu de popularité dans les stades ? Impossible de le huer, il représente la France. Il mène une politique assise sur une bien faible légitimité démocratique et sa Première ministre ne gouverne plus que par 49.3 ? Il est Mbappé ou Dupont, il est la France, taisez-vous.

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dimanche, 1 octobre, 2023

Tout plaquer

tout_plaquer_w.jpg, oct. 2023Anne Humbert, Tout plaquer. La désertion ne fait pas partie de la solution... mais du problème, Le Monde à l’envers, 2023, 72 pages, 5 €

Autour de vous, beaucoup ont peut-être choisi de déserter leur emploi dans le tertiaire pour en exercer un autre « qui a du sens » dans l’artisanat ou l’agriculture et sortir du salariat. Peut-être même faites-vous partie de ces déserteurs et déserteuses qui depuis quelques années font parler d’elles et d’eux, avec des pics d'attention inattendus.

Anne Humbert, ingénieure non déserteuse, a choisi de consacrer un livre au phénomène (encore un) mais celui-ci prend le parti de le critiquer, à partir d’échanges avec des ami·es ayant déserté et de lectures qui vont de la grande presse à des auteurs comme le sociologue Richard Sennet, critique de la standardisation du travail. Outre quelques articles, comme celui-ci dans Lundi matin, cette option reste à ma connaissance assez peu conventionnelle dans les milieux alternatifs plus ou moins radicaux subjugués par la notion de désertion (Reporterre a, selon Humbert, consacré vingt-et-un articles au discours des étudiant·es qui bifurquent d’AgroParisTech). Ces trajectoires ont suscité plus d’intérêt que le « refus de parvenir » auquel était consacré il y a quelques années un excellent bouquin, toujours disponible.

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